Seule « concession » d’Emmanuel Macron aux dirigeants nationalistes de la Corse lors de son discours prononcé à Bastia le 7 février, l’inscription de la Corse dans la Constitution est loin de provoquer un enthousiasme spontané au sein de la représentation nationale. Le Monde a interrogé les présidents de groupe de l’Assemblée nationale. Ils expriment, pour le moins, de fortes réserves.
Du côté de la majorité présidentielle, on affiche une prudente circonspection en attendant de savoir ce qu’aura décidé le président de la République. « Que la Corse soit inscrite dans la Constitution, c’est une très bonne chose. Cela démontre que nous reconnaissons la singularité de ce territoire. En même temps, ça arrime la Corse dans la République », assure Richard Ferrand, le président du groupe LRM, qui a semble-t-il bien intégré la dialectique présidentielle telle qu’elle s’est exprimée à Bastia.
Et lui-même ne manque pas de rappeler les dirigeants corses à leurs responsabilités. « Très honnêtement, la Collectivité de Corse est la collectivité métropolitaine la plus décentralisée depuis le 1er janvier, rappelle le député du Finistère. Il est important que ses responsables s’en emparent pleinement. Or, à peine mis en place, ils demandent des évolutions nouvelles. » Il n’exclut pas, cependant, d’accorder à la Corse des compétences particulières « dès l’instant que chacun apporte la preuve que c’est nécessaire ». Quant à la façon dont cela se traduirait dans la Constitution et à l’endroit où cela s’inscrirait, il reste très évasif. « Je me méfie toujours quand on transforme les enjeux politiques en enjeux juridiques. Je n’ai strictement aucune préférence pour un article en particulier. J’ai une approche pragmatique de ce point de vue. » Autrement dit, attendons de voir avant de nous prononcer.
« Boîte de Pandore »
L’allié MoDem n’est guère plus entreprenant, alors que Jacqueline Gourault, la ministre chargée de suivre ce dossier, proche de François Bayrou, est un des piliers de cette formation. « C’est compliqué parce que c’est subtil, reconnaît Marc Fesneau, le président du groupe. Il y a des demandes d’adaptation du droit local sur l’urbanisme, le logement, les transports… Cela peut être une demande valable pour la Corse mais aussi ailleurs et cela ne justifie pas nécessairement une inscription spécifique pour la Corse dans la Constitution. »
Ce qui, apparemment, plaiderait pour une simple extension du droit à la différenciation, au titre de l’article 72 de la Constitution, comme l’exécutif s’y est à plusieurs reprises engagé. Le député de Loir-et-Cher admet cependant que le sujet revêt également une dimension « de l’ordre du symbolique ». « J’entends que cela puisse être un signal politique. Mais cela n’a de sens que si ça se fonde sur une réalité. L’article 72, c’est l’adaptation, la différenciation. Les 73 et 74, ça va au-delà. Donc, il faut voir si, au-delà du symbolique, cela correspond à de réels besoins. » D’évidence, sa réflexion sur cette question n’est pas aboutie.
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